Les très nombreuses formes que l'on peut grouper sous ce nom général sont des plantes de 3 à 40 cm, dont les mignonnes petites fleurs sont blanches striées de violet, à gorge jaunâtre, ou encore blanchâtres, bleuâtres, violacées tachetées de jaune, lilacées ou jaunes (extrêmement rarement de couleur rose ou rougeâtre). Ces plantes fleurissent depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'octobre, dans les prés, les pâturages, les bois, sur les coteaux secs ou dans les endroits tourbeux et sont répandues dans presque toutes les contrées de notre Flore, sauf sur le littoral méditerranéen proprement dit.
Toutes ces plantes ont les caractères communs suivants. Les feuilles inférieures sont seules opposées, les supérieures et les bractées qu'accompagnent les fleurs ne le sont pas ; ces feuilles sont sans pétiole, fortement dentées, de contour général plus ou moins ovale. Les fleurs sont disposées en grappes, serrées au moment de la floraison, terminant la tige ou les rameaux, et dont les bractées sont assez semblables aux feuilles ordinaires ; les pédoncules des fleurs sont très courts ou à peine distincts. Le calice est à 4 divisions aiguës dont le contour est triangulaire. La corolle dépasse longuement le calice ; elle est à tube relativement étroit, à gorge ouverte, à deux lèvres très inégales, l'inférieure à 3 lobes étalés. Le fruit mûr, sensiblement plus long que large, est tantôt un peu plus allongé que le calice persistant qui l'entoure, parfois plus court ou à peu près de la même longueur.
Ce sont des plantes annuelles, à tiges dressées ou redressées, grêles, très feuillées. Ces plantes sont parasites sur diverses espèces herbacées, et leur parasitisme est très accentué, car leurs feuilles vertes renferment une chlorophylle décomposée, incapable d'assimiler le gaz carbonique qui se trouve dans l'air (G. Bonnier). Les racines de ces plantes produisent de petits suçoirs latéraux qui s'insèrent dans les racines des autres plantes pour en digérer les substances nutritives qui sont ensuite transportées dans la plante parasite. Les suçoirs sont formés chacun d'un petit mamelon dont le sommet obtus ou tronqué est frangé comme d'une petite couronne membraneuse, et qui constitue une sorte de bouche dont les deux lèvres entourent la racine parasitée. (On a décrit des exemplaires dont les fleurs présentaient une cinquième division du calice, plus ou moins développée ; d'autres à fleurs très rapprochées les unes des autres et disposées régulièrement sur 4 rangs).
Le type principal se reconnaît à la corolle qui mesure ordinairement de 10 à 17 millimètres de longueur, dont le tube dépasse assez notablement le calice, et qui est blanche, avec d'élégantes stries violettes et la gorge jaune ; au fruit mûr dépassant à peine le calice persistant qui l'entoure ; aux tiges, feuilles, bractées et calices qui sont couverts d'assez longs poils glanduleux.
Noms vulgaires. En français : Casse-lunettes, Brise-lunettes. Luminet, Herbe-à-l'ophtalmie, Eufraise, Langeole. En anglais : Eyebright, Ewfras, Euphrasy. En allemand : Augentrost, Hirnkraut, Milchdieb, Augendienst, Lichttagkraut. En flamand : Oogentroost, Klaaroog. En italien : Eufrasia.
Usages et propriétés. Dans les campagnes, on fume quelquefois la plante, séchée et préparée, en guise de tabac. Les fleurs sont visitées par les abeilles qui y récoltent un nectar de bonne qualité. Autrefois très employée pour guérir les maladies des yeux ; le suc de la plante fraîche est amer et un peu astringent ; usité contre la toux. La plante contient une substance bleue très voisine de la rhinanthine.
Distribution. Peut s'élever jusqu'aux plus hautes altitudes ; on l'a trouvé jusqu'à 3.100 m d'altitude, dans les Alpes. France : commun ou assez commun en général, sauf sur le littoral méditerranéen. Suisse : commun. Belgique : commun ou assez commun.
On a décrit 15 sous-espèces, 10 races et 36 variétés de cette espèce, parmi lesquelles on peut citer les suivantes :
Variété nana Rouy (naine).
Plante de 3 à 6 cm ; feuilles supérieures en coin à la base ; tige non rameuse ; fleurs de 7 à 12 mm de longueur ; les autres caractères comme ceux du type principal. (Zone alpine des montagnes).
Variété rosea G. B. (rose).
Fleurs roses sans stries violettes ; feuilles assez rapprochées les unes des autres. (Çà et là, rare ; par exemple à Gravant dans l'Yonne ; au Bourg-d'Oisans en Dauphiné ; dans les Hautes-Pyrénées ; etc.).
E. montana Jord. (E. des montagnes)
Tige parfois rameuse mais plus souvent simple, dont les paires de feuilles sont très écartées les unes des autres ; feuilles obtuses à leur sommet et bordées de dents obtuses ; poils glanduleux allongés ; corolle bien plus longue que large. (Commun ou assez commun).
E. alpina Lam. (E. des Alpes)
Feuilles à contour ovale, à dents aiguës ; bractées à dents longuement en pointe, profondément séparées les unes des autres, les bractées supérieures formant un petit faisceau terminal au-dessus des fleurs qui sont disposées en grappes très courtes ; calice peu poilu ; fleurs de 9 à 15 mm de longueur ; corolle bleuâtre ou blanchâtre, striée, parfois plus ou moins pourprée, à lèvre inférieure tachée de jaune, plus longue que la lèvre supérieure, dirigée presque horizontalement ; fruit mûr couvert de petits poils et plus court que le calice persistant qui l'entoure. (Hautes montagnes) .
E. salisburgensis Funk (E. de Salzbourg)
Feuilles et bractées sans poils, plus de deux fois plus longues que larges, à dents très accentuées et qui sont longuement terminées en-pointe ; fleurs disposées en grappe allongée ; calice presque sans poils ; corolle de 4 à 11 mm de longueur, blanchâtre, violacée, bleuâtre ou rougeâtre, à lèvre inférieure qui n'est pas plus longue que la supérieure, et qui est plutôt dirigée un peu vers le bas ; fruit mûr sans poils ou cilié sur les bords, plus court ou plus long que le calice persistant qui l'entoure ; plante de 3 à 20 cm (Montagnes ; peut s'élever au-dessus de 3.000 m d'altitude).
E. cuprea Jord. (E. cuivrée).
Feuilles d'un vert cuivré, fermes, étroites, à dents presque piquantes ; tige d'un rouge noirâtre, se ramifiant souvent vers le milieu de la plante ; rameaux étalés ; bractées étalées ou recourbées (et non dressées) ; fleurs souvent rougeâtres ; plante de 3 à 8 cm, en général. (Collines et montagnes peu élevées : Est, Sud-Est de la France ; Suisse).
E. tetraquetra Arrondeau (E. à 4 angles)
Fleurs bleuâtres ou lilacées, à lèvre inférieure tachée de jaune, de 4 à 6 mm de longueur ; feuilles très rapprochées les unes des autres, à contour ovale, n 'ayant que 4 à 8 dents aiguës ; fleurs en grappe serrée, à 4 angles ; calice souvent muni de poils glanduleux ; tige ordinairement de 5 à 12 cm, souvent rameuse dès la base, à rameaux courts ; corolle à lèvre supérieure portant de petites dents au sommet, à lèvre inférieure à peu près de la même taille que la supérieure ; fruit mûr un peu plus long que le calice persistant qui l'entoure, et dont les divisions n'ont guère que la moitié de la longueur du reste du calice. (Normandie, Bretagne).
E. stricta Host. (E. raide)
Fleurs de 6 à 11 mm, d'un violet pâle et veiné de bleu, à lèvre inférieure tachée de jaune ; feuilles sans poils, ovales, en coin à la base, à dents longuement terminées en pointe ; grappe de fleurs s'allongeant beaucoup pendant que la floraison continue ; tige sans ramifications, ou à rameaux redressés, de 5 à 40 cm ; calice sans poils où presque sans poils, à divisions très étroites, très aiguës, en pointe, à peu près de la même longueur que le reste du calice ; corolle à lèvre supérieure portant de petites dents au sommet, un peu moins longue que la lèvre inférieure ; fruit mûr plus court que le calice persistant qui l'entoure ou à peu près de la même longueur que ce calice. (Commun ou assez commun).
E. ericetorum Jord. (E. des bruyères).
Fleurs en grappes denses ; tiges couvertes de petits poils, le plus souvent très rameuses et à rameaux dressés ; fruit mûr arrondi au sommet. (Commun ou assez commun).
E. maialis Jord. (E. de mai)
Fleurs de 7 à 10 mm, de couleur violacée ou lilacée, striée de violet ; feuilles à contour ovale, les inférieures n'ayant que 3 à 7 crénelures obtuses, les autres portant 5 à 13 dents aiguës, en pointe ; calice à dents étroites et aiguës, à peu près de la même longueur que le reste du calice, s'accroissant beaucoup après la floraison ; corolle à lèvre inférieure dirigée vers le bas, à lèvre supérieure terminée par deux petits lobes denticulés ; fruit mûr cilié de poils assez longs, plus court que le calice persistant qui l'entoure ; plante de 5 à 35 cm, à tige couverte de nombreux poils courts ; fleurit depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre. (Sud-Est, Midi ; peut s'élever jusqu'à 2.300 m d'altitude, sur les montagnes).
E. hirtella Jord. (E. un peu hérissée)
Fleurs blanches, striées de violet, à gorge jaunâtre ; feuilles d'un vert grisâtre, ovales ou presque arrondies, à dents aiguës mais non terminées par une pointe, couvertes de poils glanduleux, surtout sur les angles et sur les bords de ses divisions qui sont aiguës et à peu près de la même longueur que le reste du calice ; corolle à tube presque entièrement entouré par le calice, à lèvre supérieure se terminant par deux petits lobes denticulés, à lèvre inférieure à peine plus longue que la supérieure ; fruit mûr poilu au sommet, à peu près de la même longueur que le calice persistant qui l'entoure ; plante de 5 à 20 cm, à tige dressée, raide, couverte de poils glanduleux. (Hautes montagnes : Alpes, Auvergne, Corbières, Pyrénées ; peut se trouver, dans les Alpes, jusqu'à 2.500 m d'altitude) .
E. nemorosa Pers. (E. des bois)
Fleurs de 5 à 6 mm, bleuâtres ou d'un blanc plus ou moins bleuté, à lèvre inférieure tachée de jaune ; feuilles vertes, sans poils mais non luisantes, ovales, à dents aiguës et terminées par une pointe courte, à nervures saillantes ; bractées étalées ou recourbées en dehors ; calice sans poils, à divisions aiguës et notablement plus courtes que le reste du calice ; corolle dont la lèvre supérieure est terminée par deux petits lobes non denticulés, à lèvre inférieure à peu près de la même largeur que la supérieure ; fruit mûr dépassant le calice persistant qui l'entoure. Il y a de nombreux intermédiaires entre cette sous-espèce et la sous-espèce E. salisburgensis. (Commun ou assez commun) .
E. minima Jacq. (E. minime)
Fleurs de 3 à 6 mm, jaunes à lèvre supérieure souvent bleue (rarement blanches ou violacées) ; feuilles et bractées relativement petites (de 5 à 11 mm de longueur), ovales, à dents obtuses ou aiguës mais sans pointe à leur sommet, plus ou moins poilues ; calice à divisions étroites et très aiguës, environ de la même longueur que le reste du calice ; corolle à lèvre supérieure terminée par deux très petits lobes entiers, à lèvre inférieure à peu près de la même longueur que la supérieure ; fruit mûr cilié, le plus souvent un peu plus long que le calice persistant qui l'entoure ; tige grêle, simple, peu rameuse, couverte de petits poils ; plante de 2 à 25 cm (Hautes montagnes : Jura, Alpes, Auvergne, Pyrénées ; peut s'élever jusqu'à 2.600 m d'altitude).
E. gracilis Fries (E. grêle)
Fleurs de 3 à 6 mm, bleuâtres, violacées ou blanches striées de bleu, à lèvre inférieure tachée de jaune ; feuilles relativement petites, ovales, dressées, à dents aiguës mais non terminées par une petite pointe, sans poils, luisantes ; grappes de fleurs grêles, raides, allongées ; calice sans poils, à divisions aiguës, étroites, un peu plus courtes que le reste du calice ; corolle à tube plus court que le calice, à lèvre supérieure terminée par deux petits lobes non denticulés, à lèvre inférieure à peu près de la même longueur que la supérieure ; fruit rnûr sans poils sur les faces, cilié sur les bords, plus long que le calice persistant qui l'entoure ; tiges très grêles, raides, dressées ; plante de 5 à 25 cm (Çà et là, souvent assez commun).
E. kerneri Wettstein (E. de Kerner)
Fleurs de 10 à 15 mm, blanchâtres, tachetées de bleu ; feuilles inférieures obtuses tout-à-fait à leur sommet, les moyennes et les supérieures aiguës, à dents triangulaires et aiguës ; bractées à dents étalées et terminées chacune par une petite pointe ; toutes les feuilles et bractées sont sensiblement plus longues que larges ; calice à divisions aiguës ; corolle à tube plus court que le calice ; tiges dressées ou redressées souvent rameuses, et même à rameaux ramifiés ; plante sans poils glanduleux, de 8 à 40 cm (Rare ; Suisse : Gottlieben en Thurgovie ; vallée d'Avers et Cresta, dans les Grisons).
E. picta Wimmer (E. tachée)
Fleurs de 9 à 11 mm (atteignant 10 à 13 mm en s'accroissant après la floraison), blanches, tachées de bleu ; feuilles à contour largement ovale ou arrondies, les supérieures presque atténuées en pétiole à leur base, poilues mais non glanduleuses, souvent à paires écartées les unes des autres, présentant 3 à 5 dents obtuses ou aiguës mais non terminées par une pointe ; calice non glanduleux, à 5 divisions aiguës ; corolle à tube enfermé dans le calice ; fruit mûr, bordé de cils raides, plus court que le calice persistant qui l'entoure. (Très rare ; Suisse : Churwalden, dans les Grisons).
E. versicolor Kerner (E. à couleurs variées)
Fleurs blanchâtres ou bleuâtres, tachées ou striées de bleu ou de violet, de 9 à 11 mm pendant la première partie de la floraison et atteignant de 10 à 15 mm en s'accroissant pendant qu'elles achèvent de fleurir ; feuilles ovales, non glanduleuses, les inférieures crénelées, les supérieures largement ovales, terminées par une dent en pointe et ayant en outre 3 ou 4 dents peu aiguës ; bractées ayant souvent les dents bordées de noir ; calice à 5 divisions aiguës, souvent à bordure noire ; corolle à lèvre inférieure plus longue que la supérieure et très étalée ; plante de 2 à 25 cm, non glanduleuse, à tige dressée ou redressée. (Suisse : Oberland-Bernois, canton de Schwytz ; Tessin, Grisons).