Solanaceae - - Solanum tuberosum (L.)

Morelle tubéreuse

Cette plante, bien connue sous le nom vulgaire de « Pomme-de-terre », est originaire de l'Amérique du Sud et cultivée en grand dans presque toutes les contrées de notre Flore ; elle peut se trouver en dehors des champs, reproduite par des tubercules abandonnés ou à l'état subspontané. Sa hauteur est de 30 à 80 cm et ses fleurs violettes, lilacées ou blanches, s'épanouissent depuis le mois de juin jusqu'au mois de septembre.
On reconnaît facilement cette espèce à ses feuilles qui sont profondément divisées en 7 à 12 segments principaux, entremêlés de segments plus petits. Ces feuilles sont velues et leurs segments ont une base coupée obliquement ou en cœur renversé. Les fleurs sont disposées en grappes contractées qui ressemblent à des ombelles simples, et ces inflorescences sont placées au sommet d'un rameau allongé. Le calice est à 5 divisions ovales ou triangulaires ; la corolle mesure, en général, environ deux fois la longueur du calice. Le nectaire en forme de bourrelet, peu développé autour de la base du pistil, ne produit pas de liquide sucré. La plante ne fructifie pas très souvent ; les fruits sont globuleux et ordinairement d'une teinte verdâtre.
C'est une plante vivace, à tiges dressées, anguleuses dans leur longueur, et qui porte sur ses tiges souterraines de gros, tubercules par lesquels la plante se perpétue et se multiplie. Chaque tubercule produit des bourgeons et c'est de la partie inférieure de ces bourgeons (et non directement du tubercule) que naissent les rameaux allongés souterrains ou les racines adventives. (On a décrit de nombreuses anomalies de cette espèce : tiges fasciées, c'est-à-dire soudées en long ; fleurs soudées entre elles ; pétales transformés en étamines ; pétales libres entre eux jusqu'à leur base ; étamines converties en carpelles ; corolle relativement très petite ; intermédiaires entre les étamines et les carpelles et entre des sacs polliniques et des ovules ; bourgeons adventifs sur les pétioles des feuilles et sur les rameaux ; tubercules verts se formant dans l'air ; tubercules à bourgeons très grands et très développés (Pomme-de-terre-Arti-chaut) ; plantule à 3 cotylédons ou à 2 cotylédons exagérément développés, etc., etc.).

Noms vulgaires. En français : Pomme-de-Terre, Parmentière, Patate, Tartille, Patate-de-la-Manche, Patate-des-jardins, Patate-de-Virginie, Solanée-parmentière, Tartufle, Tartaufle, Truffe, Trufelle. En allemand : Kartoffel, Erdäpfel, Pataten, Tartuffeln, Tüffeln, Knollen, Erdbirnen. En flamand : Aardappel, Eerdappel, Eerpels, Pataters, Toffels. En anglais : Potato, Patatoes-of-Virginia. En italien : Patata.

Usages et propriétés. L'espèce est originaire de l'Amérique du Sud et était cultivée depuis longtemps au Chili et au Pérou avant la découverte de l'Amérique par les Européens. La plante fut importée du Pérou en Europe en 1580 par les Espagnols et, peu de temps après, de Virginie (d'où elle était venue de l'Amérique du Sud), lors des voyages de Raleigh dans l'Amérique du Nord. En 1588, deux tubercules de cette espèce furent envoyés à Charles de L'Ecluse qui donna la description des diverses parties de la plante ; Gaspard Bauhin en reçut une figure en 1590, et dans un de ses ouvrages, il constate qu'elle était alors cultivée dans les jardins d'Europe par un petit nombre d'amateurs. De L'Ecluse contribua, par ses cultures et sa propagande, à répandre cette plante alimentaire en Europe. Ses tubercules furent alors utilisés en Artois, dans les Pays-Bas, en Franche-Comté, dans les Vosges, en Allemagne, en Suisse, en Espagne, en Italie. Turgot encouragea la culture de la Pomme-de-terre dans le Limousin et quelques autres essais furent encore faits en France. Mais ces tubercules y étaient peu appréciés. Parmentier combattit les préjugés répandus alors contre l'usage des tubercules de la plante comme aliment, et, sous Louis XVI, arriva à populariser la culture du Solanum tuberosum, qui fut introduite en Angleterre à la même époque. Les tubercules de Pomme-de-terre se consomment cuits et peuvent être accommodés de façons très diverses, mais comme ils renferment peu de substances azotées, ils ne peuvent remplacer les viandes ou certains légumes azotés, mais les accompagnent utilement. On mange les tubercules complètement développés ou ceux qui sont très jeunes (pommes de terre nouvelles). Les tubercules les plus gros sont ceux qui servent à préparer la fécule ou qui sont donnés aux animaux. On peut conserver les pommes de terre en les cuisant à la vapeur d'eau bouillante, en les pelant ensuite et en les mettant au four en même temps que le pain, sans les couper en morceaux ; on les retire du four avec le pain ; ou les remet une seconde fois au four ; on obtient alors des pommes de terre se brisant à la main, légères, qui ne sont plus sujettes à la gelée ; ensuite on peut, lorsqu'il en est besoin, les utiliser en les faisant de nouveau bouillir dans de l'eau ou dans du lait. On extrait l'amidon des tubercules ou fécule de pomme de terre, en râpant les tubercules et en délayant cette pulpe râpée dans un courant d'eau froide. On emploie la fécule de pomme de terre pour faire de la bouillie et dans la fabrication des pâtes, des pâtisseries, du pain ; le pain ainsi obtenu avec de la fécule de pomme de terre mêlée à la farine de froment se conserve à l'état frais pendant plusieurs jours. Cette fécule entre aussi dans la préparation de quelques sortes de fromages. Le sucre qu'on extrait des tubercules (sucre d'amidon, sucre de pomme de terre, sucre de fécule) est utilisé pour le sucrage des vins ou encore pour remplacer l'orge germée dans la confection de la bière. On peut extraire des pommes de terre un alcool qui contient des produits toxiques, entre autres l'« essence de pomme de terre », et l'usage de cet alcool pour la falsification des alcools de bonne qualité est un danger pour la santé publique. L'« eau-de-vie de pomme de terre » est forte, mais malsaine. L'espèce est parfois cultivée comme plante ornementale ; on peut citer les variétés horticoles suivantes : variété « verrucosum » à fleurs grandes et colorées d'une façon intense, à feuilles aiguës et très poilues sur la face inférieure, à tubercules petits dont la chair est jaune ; variété « demissum » dont le calice a les divisions aiguës et dont les fleurs violettes présentent dix lobes ; variété « tuberosum » dont les fleurs sont d'un beau violet éclatant et les étamines d'un jaune d'or et dont le calice a les divisions non aiguës. Les principales variétés de Solanum tuberosum cultivées en grand pour leurs tubercules sont les suivantes. Parmi les variétés « jaunes rondes », on peut citer : le « Flocon-de-neige » dont les tubercules ont la chair blanche et la peau d'un jaune pâle, variété productive et précoce ; l'« Institut-de-Beauvais » à chair d'un blanc jaunâtre, à peau d'un jaune pâle mais rosée autour des « yeux », employée surtout pour la production industrielle de la fécule ; la variété « Bonne-Wilhelmine » à chair et à peau d'un jaune vif et à germes violets, à tubercules ronds et lisses ; la variété « Géante-sans-pareille » à tubercules gros, presque cubiques, utilisée surtout dans l'industrie ; la variété « Imperato » à chair blanche, à peau d'un jaune pâle, variété tardive, très riche en amidon ; la variété « Champion » à chair et peau d'un jaune pâle, tardive. Parmi les variétés « jaunes longues », on peut citer : la variété « Marjolin » qui est la plus cultivée de toutes les sortes de pommes de terre précoces, à chair et peau jaunes, à tubercules allongés et un peu courbés ; la variété « Caillou blanc » à chair d'un jaune pâle, à peau d'un jaune grisâtre, variété très précoce, cultivée comme primeur dans le Midi de la France et l'Algérie ; la variété « Princesse » à chair d'un jaune intense et à peau d'un jaune vif, à tubercules allongés, variété de très bonne qualité ; la variété « Victor », la plus précoce de toutes les sortes de pommes de terre ; la variété « Quarantaine de la Halle » à chair très jaune, à peau jaune, à tubercules allongés, de bonne qualité. Parmi les variétés « rouges ou roses », on peut signaler : la variété « Saucisse » à chair jaune, à peau d'un beau rouge, tardive, très productive ; la variété « Rouge longue de Hollande » à chair jaune, à peau d'un rouge foncé, de très bonne qualité ; la variété « Junon » à chair d'un jaune pâle et à peau d'un blanc rosé, riche en amidon, employée pour l'industrie ; la variété « Rose hâtive » à chair blanche, à peau d'une teinte saumonée, précoce, très productive. Parmi les variétés violettes ou noires, on distingue : la variété « Violette » à chair jaune, à peau d'un violet foncé, à tubercules ronds ou presque ronds, tardive, productive, de qualité estimée ; la variété « Quarantaine violette » à chair jaune, à peau d'un violet pâle, à tubercules longs, productive et se conservant longtemps ; la variété « Négresse » à chair violette, à peau noire, à tubercules longs, de toute première qualité ; la variété « Chandernagor » à chair marbrée de violet, à peau noire, à tubercules longs. Parmi les variétés dites « entaillées », ou doit signaler la « Vitelotte », à chair ferme et blanche, à peau rouge, à « yeux » très enfoncés, productive, tardive, de bonne qualité, se conservant longtemps. Il y a aussi des variétés « panachées jaunes » telles que la « Blanchard », le « Ruban-rouge », etc. La pulpe cuite sert à nettoyer les étoffes de lin, de coton, de laine ou de soie. Les fleurs peuvent fournir une teinture d'un jaune brillant. On fait usage de l'amidon pour empeser le linge. Ou brûle quelquefois les tiges de la plante pour en extraire de la potasse ; ces tiges sont aussi données aux bestiaux ou sont enfouies en terre pour servir d'engrais. Là pulpe des tubercules est un remède contre les brûlures. La fécule de pomme de terre cuite et les feuilles de la plante sont utilisées pour faire des cataplasmes adoucissants. Le sucre extrait des tubercules est employé pour fabriquer des sirops de sucre pectoraux remplaçant les sirops de gomme. La plante a été administrée contre la fièvre, le scorbut, le catarrhe et les rhumatismes. Les fruits sont émétiques et purgatifs. Presque toutes les parties de la plante recèlent un alcaloïde toxique, la solanine (qui peut se séparer en solanidine, galactose et rhamnose), mais les tubercules en accusent une trop petite quantité pour présenter le moindre danger. Outre la solanine, la plante renferme une sorte de solanine amorphe, de la solanëine, de la solanidine, du sucre interverti, du saccharose, de la carotine, etc. Les cendres de la plante peuvent contenir, pour cent : jusqu'à 46 de chaux ; jusqu'à 14,5 de chlore ; jusqu'à 11 de silice ; mais le plus souvent ces corps y sont en moindre proportion ; une analyse de plantes ordinaires donne, pour cent : 26 à 38 de potasse ; 24 à 25 de chaux ; 13 à 16 d'acide phosphorique ; 5 à 6 de magnésie ; 5 à 6 d'acide sulfurique ; 13 à 14 de chlore ; 1 à 2 de sesquioxyde de fer ; 0,03 à 0,3 de soude ; une très petite quantité de silice. Il existe dans les graines 0,25 pour cent de solanine et 25 pour cent de substances grasses. Les tubercules renferment, comme hydrates de carbone : beaucoup d'amidon, un peu de glucose (une plus forte proportion dans les tubercules jeunes), du saccharose (0,02 pour cent) et un peu de gommes. Comme substances azotées, les tubercules contiennent : albumine, peptone, asparagine, lécithine, lysine, protéose, etc. ; comme ferments solubles : amylase, catalase, invertine, peroxy-dase, etc. ; comme acides : acide citrique, acide malique, acide vinique ; comme matières grasses : palmitine, myristine, solano-stéarine, acide solanéique, etc. Vénéneuse (sauf les tubercules, mais plus ou moins dans toutes les autres parties de la plante et surtout les fruits non mûrs).

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