Cette plante, bien connue sous le nom vulgaire de « Millefeuille », est répandue dans les prés, les bois, au bord des chemins, sur les talus, dans les plaines et dans les montagnes, dans toute l'étendue de notre Flore. Sa taille varie de 4 à 90 cm. et ses capitules de fleurs blanches ou assez souvent roses s'épanouissent depuis le mois de juin jusqu'au mois de septembre et quelquefois encore pendant l'hiver.
Les feuilles sont divisées en segments étroits et ces segments, très nombreux, se trouvent disposés dans des plans différents, de telle sorte que, souvent, ils semblent au premier aspect comme autant de petites feuilles disposées presque en verticilles autour de la nervure principale de la feuille ou surtout des nervures secondaires. Les feuilles sont presque toutes deux fois divisées, à divisions étroites et terminées chacune par une petite pointe, sans dents placées sur la partie médiane entre les bases des segments principaux qui sont au nombre de 37 à 51 chez les feuilles moyennes. Les feuilles supérieures présentent à leur base des segments principaux qui sont aussi longs ou presque aussi longs que les segments principaux de la partie moyenne de la feuille ; toutes ces feuilles sont bien plus de trois fois plus longues que larges. Les capitules sont ordinairement très petits (de 2 à 5 millimètres de largeur, très rarement de 4 à 8 millimètres), en corymbes serrés, et on pourrait les prendre, au premier abord, pour autant de fleurs simples, car leurs fleurs en languette, peu nombreuses dans chaque capitule, peuvent être confondues avec des pétales, si on ne regarde pas les inflorescences de près. L'involucre de chaque capitule est ovoïde, à bractées couvertes de petits poils et ayant une bordure membraneuse étroite, pâle ou plus rarement d'un brun foncé, quelquefois noire. Les fruits sont blanchâtres et comme coupés à leur sommet.
C'est une plante vivace, à tiges fleuries dressées, présentant des sillons dans leur longueur, à tiges souterraines rampantes, grêles, de couleur fauve, rameuses, produisant des rameaux souterrains rougeâtres qui perpétuent ou multiplient la plante. Des exemplaires de cette espèce, pris en plaine et transplantés soit au Col d'Aspin dans les Pyrénées, soit à l'Aiguille de la Tour (2.400 m. d'altitude) dans les Alpes, ont donné, au bout de peu d'années, des plants à tiges souterraines très allongées et très ramifiées et des tiges fleuries ne portant que quelques feuilles à divisions très épaissies (G. Bonnier). (On a signalé des exemplaires anormaux à tiges soudées ensemble dans leur longueur ou d'autres présentant un accroissement très grand de la base de la feuille formant des pétioles allongés).
Noms vulgaires. En français : Millefeuille, Saigne-nez, Herbe-au-charpentier, Souris-de-Vénus, Herbe-aux-militaires, Herbe-aux-cochers, Herbe-de-Saint-Jean. En allemand : Schaafgarbe, Margaretenkraut, Achillenkraut, Beinenpfeffer, Feldgarbe, Blutkraut, Gotteshand, Reinefase, Jungfraukraut. En alsacien : Schaafgarben, Garbenkraut. En flamand : Duizendblad, Paddebloem, Trissen, Ribbenkruid, Duizendbladig-Achilleskruid. En italien : Millefoglio, Sanguinella, Erba-del-marchese, Erba-pennina, Achillea. En anglais : Milfoil, Nosebleed, Sanguinary, Garwe, Devil's-nettle, Dog-daisy, Thousand-leaf.
Usages et propriétés. Cultivé dans les jardins soit pour former des gazons à l'ombre là où les Graminées ne persistent pas facilement, soit comme plante ornementale, en particulier la variété horticole « roseum » à fleurs d'un beau rose ou purpurines. La plante est vulnéraire, stimulante, astringente, résolutive, employée contre les fièvres et contre le catarrhe ; son extrait est antihémorragique (bien que les feuilles insérées dans les narines provoquent des saignements de nez). La plante contient un glucoside spécial, l'achilléine, de l'acide aconitique, de l'acide acétique, une huile essentielle, de l'inuline, etc. Les fleurs renferment de l'acide propionique, du tanin et une autre huile essentielle (de 0,07 à 0,13 % du poids des fleurs fraîches). Les cendres de la plante contiennent pour cent : 47,8 de potasse ; 14,8 de chaux ; 13 de chlore ; 11 de silice ; 7,9 d'acide phosphorique ; 3,3 de magnésie ; 2,7 d'acide sulfurique ; 2 de soude et 0,23 de sesquioxyde de fer.
Distribution. Peut s'élever jusqu'à plus de 2.500m. d'altitude sur les montagnes. France, Suisse et Belgique, très commun.
Europe : Toute l'Europe, et jusqu'en Islande. Hors d'Europe : Sibérie, Centre et Ouest de l'Asie ; parfois introduit dans le Nord de l'Afrique ; Nord de l'Amérique du Nord, et introduit d'Europe plus au Sud.
On a décrit 3 races et 10 variétés de cette espèce. On a décrit aussi 1 hybride entre cette espèce et l'espèce Achillea odorata, ainsi qu'un hybride avec l'espèce Achillea tomentosa. Les 3 races et les variétés les plus intéressantes sont les suivantes :
A. compacta Lam. (A. compacte)
Feuilles entourant étroitement la tige, à leur base, par deux lobes divisés, à segments moyens plus longs que les segments inférieurs et supérieurs de la feuille ; tige robuste, anguleuse dans sa longueur, de 40 à 80 cm. de hauteur ; involucre à bractées bordées d'une partie membraneuse pâle. (Midi de la France).
A. setacea W. et K. (A. sétacée)
Fleurs en languette ordinairement d'un blanc plus ou moins jaunâtre en dessus et blanches en dessous : les feuilles situées le long de la tige, dans sa partie moyenne et supérieure, sont étroites, rétrécies vers leur base, et sensiblement plus courtes que les feuilles de la base ; capitules de 2 à 4 mm. de largeur. Dans les sables maritimes de l'Océan Atlantique, cette race se présente avec des tiges de 4 à 10 cm., feuillées jusque sous le corymbe de capitules. (Midi, Centre et Ouest de la France).
A. monticola Martrin-Donos (A. montagnarde).
Capitules de 4 à 8 mm. de largeur ; feuilles à segments primaires et secondaires presque situés dans un même plan ; feuilles supérieures à partie médiane élargie et à segments plus larges que ceux des feuilles inférieures. (Plateau central, Pyrénées-Orientales).
Variété lanuginosa Gaud. (laineuse)
Corymbe à capitules très serrés ; feuilles plus ou moins velues-laineuses (Alpes).
Variété alpestris W. et Gr. (alpestre)
Feuilles moyennes de 12 à 20 cm. de longueur sur 3 à 4 cm. de largeur ; tiges de 70 à 90 cm. ; involucre à bractées ayant une bordure membraneuse de couleur fauve ; feuilles embrassant la tige à leur base comme par deux oreilles très développées ; fleurs pourpres. (Alpes).
A. pellati G. B. (A. de Pellat).
Feuilles distantes les unes des autres, les moyennes de 8 à 15 cm de longueur, étroites : involucre à folioles bordées de brun ; capitules disposés en corymbes relativement petits ; fleurs roses. (Alpes de la Savoie et du Dauphiné).