On peut réunir sous ce nom général des milliers de formes souvent très difficiles à distinguer les unes des autres. Ce sont des plantes qui se trouvent dans les bois, les haies, les endroits incultes dans toute l'étendue de notre Flore, dont les fleurs blanches, roses ou rouges s'épanouissent depuis le mois de juin jusqu'au mois d'août, et parfois encore en septembre. La longueur des tiges peut être très grande, et la hauteur de la plante au-dessus du sol peut atteindre et même dépasser un mètre.
Toutes ces plantes ont les caractères communs suivants. Les feuilles des tiges de la première année présentent 3 à 5 folioles,très rarement 7, disposées en éventail, celles de la seconde année, qui se trouvent sur les rameaux fleuris et avoisinent les fleurs, peuvent n'avoir qu'un limbe divisé en 3 ou en 2 ou être réduites à une seule foliole. Les feuilles à plusieurs folioles ont la foliole terminale portée sur un pétiole secondaire qui est plus long que ceux des folioles latérales. Les stipules sont longuement soudées au pétiole. Le calice a les sépales ordinairement étalés ou renversés après la floraison. Les pétales sont le plus souvent étalés. Les fruits mûrs sont noirs ou bleuâtres et adhèrent à la partie supérieure du réceptacle, laquelle tombe avec le fruit. La plante est presque toujours munie d'aiguillons qui sont placés sur les tiges ou aussi sur les pétioles. Les tiges sont très souvent anguleuses dans leur longueur.
Ce sont des plantes vivaces, dont les tiges ligneuses vivent pendant deux saisons. Quelques formes, peu nombreuses, se multiplient et se propagent par des bourgeons nés sur les racines issues de la tige souterraine, et, chez ces formes, les tiges aériennes demeurent plus ou moins dressées pendant les deux saisons de leur existence. Mais chez la plupart des formes, après la première saison, la tige feuillée se recourbe, enfonce son sommet dans le sol et forme un arceau. Le sommet de la tige ainsi plongé dans la terre, s'épaissit, se recourbe sous le sol, et produit des racines adventives. Il peut se former aussi sur le sommet enraciné des tiges un ou plusieurs bourgeons qui se développent à la saison suivante pour former de nouveaux arceaux.
Chaque arceau n'a produit pendant la première année que des feuilles, lesquelles persistent parfois longtemps pendant l'hiver ; mais durant la seconde saison, de l'endroit où se trouvaient les aisselles de ces feuilles, peuvent naître des rameaux fleuris portant chacun quelques feuilles.
En général, chaque arceau meurt au bout de la seconde année. Quand les feuilles tombent, la chute des folioles précède ordinairement celle du pétiole ; celui-ci se détache un peu au-dessus de sa base, de façon à laisser sur la tige un très petit chicot qui indique la place où se trouvait la feuille. Presque toujours lorsqu'une tige fleurie disparaît, il se trouve à sa base, là où un sommet d'arceau antérieur s'était enraciné, un ou plusieurs bourgeons de remplacement. Quand une graine germe, elle produit d'abord sur la tige principale 1 à 4 feuilles primordiales qui sont simples, puis apparaissent des feuilles dont le limbe est à peine divisé en 3 lobes ; enfin, progressivement les feuilles suivantes sont de plus en plus divisées ; viennent ensuite les feuilles composées de folioles distinctes. Ces mêmes variations de forme dans les feuilles successives se retrouvent, à peu de chose près, au moment du développement d'un bourgeon souterrain. (On a décrit de nombreuses anomalies de cette espèce : tiges tordues sur elles-mêmes ou fasciées, c'est-à-dire soudées entre elles dans leur longueur ; plantes sans aiguillons ; division en 2 ou en 3 de la foliole terminale ; développement exagéré des bractées ; fleurs verdies ; carpelles à très longs styles ; étamines transformées en pétales ; fleurs à pétales très réduits ; fruits à carpelles non charnus, et qui les fait alors ressembler à ceux du genre Potentilla ; fleurs à 4 sépales et 4 pétales ou à 6 sépales et 6 pétales, etc.).
Noms vulgaires. Pour le type principal. En français : Ronce, Aronce, Catimuron, Mûrier-des-haies, Mûrier-sauvage, Mûrier-de-renard, Mûron. En allemand : Broombeerstrauch, Schwartzbeer, Moren. Muren, Bram. En flamand : Braam, Groote-Brambes. En italien : Rogo, Rovo, More-campagnole, More-di-macchia, More-prugnole. En anglais : Blackberry, Bramble.
Pour la sous-espèce Rubus caesius. En français : Ronce-bleue, Ronce-des-champs, Petite-Ronce, Catherine. En allemand : Kratzbrombeerstrauch. Ackerbeere, Traubenbeere, Rapeldorn. En flamand : Blauwgrijze, Dauwbraam. En italien : Rogo-di-fior-bianco. En anglais : Dewberry, Blue-bramble.
Usages et propriétés. Les fruits sont comestibles, parfois un peu acres ou amers ; on ne, doit les consommer qu'à la maturité complète, lorsqu'ils ne sont plus rouges, mais noirs ou bleuâtres. Ils servent à préparer une boisson alcoolique ou à fabriquer une sorte d'eau-de-vie. Le bois des arceaux est utilisé en vannerie ; fendu en long il sert à fabriquer des cercles de tonneau ; on l'emploie pour chauffer les fours. Certaines races sont cultivées comme ornementales et présentent des variétés horticoles à feuilles panachées, à fleurs doubles, à feuilles dont les folioles sont profondément divisées en lanières, etc. Les fleurs sont très mellifères, à tissu nectarifère très développé, recherchées par les abeilles pour leur nectar de bonne qualité. Les fruits sont astringents et rafraîchissants. Les feuilles sont astringentes, détersives. dessicatives ; on les emploie contre la dysenterie et, en Chine, contre les maladies des yeux. On les utilise aussi en gargarismes contre les affections de la gorge et des bronches. Les fruits contiennent les acides malique, citrique, salicylique et vinique ; comme sucres très peu de saccharose mais du dextrose et du lévulose, des pentosanes, des gommes et des matières pectiques. Les graines renferment des substances grasses : « huile de ronce », acide palmitique, acide oléique, etc.
Distribution. Peut s'élever jusqu'à 2.300 m. d'altitude, notamment la sous-espèce Rubus caesius. France, Suisse et Belgique : commun.
Europe : toute l'Europe. Hors d'Europe : Asie ; Afrique septentrionale.
On a décrit 1 sous-espèce de cette espèce, et il existe plusieurs milliers de races dont plus de mille ont été décrites complètement. II existe aussi un grand nombre d'hybrides entre ces races. Certains auteurs classent toutes ces races comme espèces de premier ordre, d'autres n'en distinguent ainsi qu'une partie, de telle sorte que la plus grande confusion règne dans la classification de toutes ces formes qui sont le plus souvent très difficiles à caractériser. 11 est impossible de reproduire toutes ces descriptions, souvent contradictoires, et nous nous bornerons à décrire quelques-unes de ces races, qui sont figurées sur les planches 177, 178 et 179, afin de donner une idée de ia variation extraordinaire que présentent les plantes offrant les caractères communs énoncés ci-dessus. Ensuite, vient la description de la sous-espèce.
R. thyrsoideus Wimm. (R. en thyrse).
Feuilles sans poils en dessus et poilues-blanchâtres ou plus rarement poilues-grisâtres en dessous ; aiguillons forts et arqués ; folioles ou feuilles supérieures terminées en une pointe très aiguë ; sépales velus-blanchâtres sur la face externe ; pédoncules des fleurs dressés, devenant plus ou moins étalés à la maturité ; pétales ovales, d'un rose pâle ou parfois blancs ; tiges des arceaux profondément creusés de sillons sur les faces, peu ligneuses ; rameaux florifères anguleux dans leur longueur. (Çà et là dans presque toute l'étendue de notre Flore.)
R. piletostachys G. G. (R. à inflorescence velue).
Feuilles vertes sur les deux faces, d'un vert foncé en-dessus, avec quelques poils épars sur la face supérieure et courtement poilue sur la face inférieure ; aiguillons faiblement courbés ; foliole terminale largement ovale, parfois en cœur renversé à sa base ; sépales velus-grisâtres, renversés après la floraison ; pétales ovales, obtus, au sommet, d'un rose pâle ; tiges des arceaux anguleuses, à poils courts. (Est, Nord et Centre de la France ; Suisse ; Belgique.)
R. affinis Weihe et Nees (R. affine).
Tige ne formant pas d'arceau à la fin de la première saison, mais restant dressée ou presque dressée, seulement un peu arquée dans le haut ; feuilles vertes et peu poilues en dessus, velues-grisâtres en dessous, celles formées la première année ont pour la plupart 5 à 7 folioles et leur foliole terminale est ovale un peu en cœur, renversé à la base, celles des rameaux florifères ont 3 à 5 folioles ovales et plus ou moins en cœur à la base ; aiguillons arqués ; sépales verts sur leur face extérieure et bordés de blanc ; calice sans aiguillons ; pétales largement ovales, d'un rose pâle ou blancs. (Rare : çà et là dans le Nord et l'Est de la France ; Belgique.)
R. suberectus Anders. (R. presque dressée).
Tige ne formant pas d'arceau à la fin de la première saison, mais restant dressée ou presque dressée ; feuilles vertes sur les deux faces, celles formées la première année à 3, 5 ou 7 folioles, à foliole terminale en cœur renversé à la base ; celles des rameaux florifères ordinairement à 3 folioles souvent largement ovales ; aiguillons minces et assez faibles, peu piquants ; sépales verts sur leur face extérieure et bordés de blanc ; pétales blancs ou parfois légèrement teintés de rose ; fruits ne mûrissant pas toujours complètement, ayant un peu le goût de framboise. (Normandie, Nord et Est de la France ; très rare en Auvergne ; Suisse).
R. speciosus P. J. Muell. (R. belle).
Feuilles vertes et presque sans poils en dessus, blanches-velues en dessous, à dents peu profondes ; celles qui sont attachées directement sur la partie moyenne de la tige pendant la première saison et qui se trouvent ensuite vers le haut des arceaux sont à 5 folioles avec la foliole terminale arrrndie à la base ; celles des rameaux florifères ordinairement à 3 folioles ; aiguillons des arceaux et des rameaux florifères assez forts, coniques, droits ou presque droits ; ceux des pétioles sont plus ou moins arqués ; sépales blancs-velus sur la face extérieure, sans aiguillons ; pétales ovales-arrondis, d'abord roses puis devenant presque blancs ; tiges des arceaux anguleuses, à faces aplaties. (Çà et là en France, Belgique et Suisse).
R. Lejeunei Weihe (R. de Lejeune).
Feuilles vertes sur les deux faces, peu velues en dessous, à dents bien marquées et inégales, à 3 ou 5 folioles ovales et longuement en pointe au sommet ; aiguillons des arceaux assez forts et nettement courbés ; aiguillons des rameaux florifères presque droits et renversés ; les aiguillons sont partout inégaux et les plus fins sont glanduleux à leur sommet ; sépales longuement en pointe ; pétales largement ovales, d'un beau rose ; tiges des arceaux peu anguleuses. (Rare : Ardennes, Vosges, Ariège, Belgique.)
R. vestitus Weihe (R. revêtue).
Feuilles de première année, sur les tiges qui forment les arceaux, épaisses, d'un vert foncé en dessus, velues-grisâtres en dessous, pour la plupart à 5 folioles ; celles des rameaux florifères sont presque toujours à 3 folioles ; foliole terminale de forme un peu arrondie, sans pointe aiguë ni allongée au sommet. Les feuilles supérieures des rameaux florifères sont velues en dessus, grisâtres ou même blanchâtres en dessous ; aiguillons inégaux, mêlés de petits aiguillons glanduleux et de poils glanduleux ; sépales très velus, renversés après la floraison ; pétales presque arrondis, d'abord d'un beau rose puis roses ou blancs ; . tiges des arceaux anguleuses, d'un brun rougeâtre, poilues. (Commun dans le Centre, le Nord et l'Est de la France ; Suisse ; Belgique).
R. pallidus Weihe (R. pâle).
Feuilles de consistance ferme, vertes et sans poils en dessus, blanches-velues en dessous. Les feuilles des tiges, dans leur première année sont à 5 folioles à dents inégales, la foliole terminale longuement en pointe au sommet ; les feuilles des rameaux florifères sont le plus souvent à 3 folioles ovales et longuement en pointe au sommet ; aiguillons inégaux, droits, mêlés de petits aiguillons glanduleux ; sépales renversés après la floraison ; pétales ovales, d'un rose pâle ; les tiges qui forment des arceaux sont presque sans poils, anguleuses, d'un brun-rougeâtre. (Çà et là dans l'Est et le Nord de la France, Puy-de-Dôme ; Suisse ; Belgique).
R. ferox Bœnningh. (R. féroce).
Feuilles vertes, fermes, plus ou moins velues ; celles des tiges formant les arceaux ont pour la plupart 5 folioles, inégalement dentées, ovales, la foliole terminale arrondie à la base ; les feuilles des rameaux florifères sont ordinairement à trois folioles largement ovales, aiguës au sommet ; aiguillons nombreux, droits, inégaux, grands et forts pour la plupart ; sépales velus extérieurement, renversés après la floraison ; pétales ovales, d'un rose assez foncé. (Çà et là.)
R. nemorosus Hayne (R. des bois).
Espèce considérée quelquefois, mais à tort, comme hybride. Feuilles vertes sur les deux faces, avec quelques poils sur la face supérieure, velues sur la face inférieure ; celles des arceaux à 5 folioles, celles des rameaux florifères à 3 folioles ; folioles doublement dentées, la foliole terminale en cœur renversé ou plus ou moins arrondie à la base ; aiguillons droits, piquants sur les tiges des arceaux, plus ou moins courbés, renversés, jaunâtres sur les rameaux florifères ; sépales velus-grisâtres en dehors, incomplètement renversés ; pétales arrondis, d'un rose vif ou assez pâle. (Oise, Alsace, Vosges.)
R. Bellardi Weihe (R. de Bellard).
Feuilles molles, vertes sur les deux faces, à poils plus nombreux sur la face supérieure que sur la face inférieure, finement dentées, toutes à 3 folioles dont la terminale est à contour elliptique ou quelquefois arrondi ; aiguillons faibles, les plus grands plus ou moins courbés ; ramifications de l'inflorescence glanduleuses ; sépales glanduleux, à longue pointe, plus ou moins redressés autour du fruit ; pétales ovales-allongés, blancs. (Zone subalpine des montagnes et çà et là, rare, aux basses altitudes).
R. bracteatus Boreau (R. à bractées).
Feuilles vertes en dessus et blanches-velues en dessous, celles des tiges formant les arceaux à 5 folioles, celles des rameaux florifères à 3 folioles, doublement dentées ; inflorescence allongée garnie jusqu'en haut de bractées réduites à une foliole ; les bractées supérieures ne portent qu'une seule fleur à leur aisselle ; aiguillons faibles inégaux, mêlés de poils glanduleux ; sépales terminés par une longue pointe, renversés après la floraison ; fleurs d'un rose pâle ou presque blanches ; jeunes fruits couverts de poils étalés. (Assez commun dans le bassin de la Loire.)
R. cuspidalus P. J. Muell. (R. à feuilles pointues).
Feuilles vertes et sans poils en dessus, d'un gris-cendré en dessous ; celles des tiges formant les arceaux ont le plus souvent 5 folioles dont la terminale tout au moins est longuement en pointe ; celles des rameaux florifères ont 3 folioles ou sont divisées en 3 lobes, les folioles étant terminées en longue pointe ainsi que le lobe médian dans les feuilles à 3 lobes ; aiguillons étroits, assez faibles et inégaux entremêlés de poils glanduleux ; inflorescence à pédoncules très inégaux ; sépales redressés autour du fruit ; pétales arrondis ; blancs. (Alsace, Vosges.)
R. caesius L. R bleuâtre.
Feuilles toutes à 3 folioles, la foliole terminale à long pétiole secondaire, les foliotes latérales à pétiole secondaire extrêmement court ; folioles vertes sur les deux faces, velues en dessus et velues-veloutées en dessous, à dents inégales, irrégulières, assez profondes ; aiguillons faibles, étroits, droits ou courbés ; inflorescence peu développée, à pédoncules grêles, dressés ou redressés ; sépales verts, à mince bordure blanche, redressés et appliqués sur le fruit mûr ; pétales blancs ; fruits bleuâtres, sans poils, n'ayant chacun que 2 à 5 carpelles mûrs, d'un goût assez agréable, mais un peu fade et acide à la fois : tiges des arceaux presque cylindriques, un peu glauques. (Commun en France, rare au Nord de la Vilaine et dans les Ardennes) ; commun en Suisse ; commun dans les Régions jurassique et houillère de Belgique ; mais assez rare ou rare ailleurs).