Fabaceae : Liaisons entre les divers genres

Dans les 44 genres de Papilionacées que renferme notre Flore, la constitution de la fleur est fort semblable. Aussi, dans cette famille très naturelle, trouve-t-on de nombreuses relations entre les divers genres.
On peut établir un premier groupe de genres dont les caractères communs sont d'avoir les dix étamines toutes soudées ensemble par leurs filets, le fruit à une seule loge et s'ouvrant par deux valves, les feuilles à trois folioles ou réduites à une ou deux folioles, les stipules relativement très petites ou non développées. Dans ce groupe, se trouvent trois genres voisins, chez lesquels les rameaux sont terminés en épines, ce sont les genres Ulex, Erinacea et Calycotome.
Le genre Spartium se rapproche des précédents : de l'Erinacea par ses feuilles réduites à une seule foliole et du Calycotome par ses anthères très inégales. Le Spartium est encore plus voisin d'un groupe formé par trois genres très rapprochés les uns des autres, les Genista. Cytisus et Sarothamnus. Les espèces de ces genres ont tant de caractères communs que plusieurs auteurs les réunissent en un seul, et les confondent aussi avec le genre Spartium. Le calice des Spartium est membraneux comme celui des Sarothamnus. et ce dernier est divisé en deux lèvres comme celui des Genista et des Cytisus. Les espèces du genre Genista, dont les feuilles ont trois folioles développées et le stigmate comme coupé obliquement en avant, telles que les Genista linifolia, radiata et candicans, ont souvent été rangées parmi les Cytisus. Enfin, ces quatre derniers genres (Spartium, Genista, Sarothamnus et Cytisus) se rapprochent encore les uns des autres par les caractères anatomiques de leurs divers organes.
On doit placer à part le genre Anagyris, caractérisé surtout par ses étamines libres entre elles et par sa corolle dont les ailes sont plus courtes que la carène. Toutefois, ce genre présente quelque rapport avec le genre Calycotome à cause de son calice à 5 dents, de ses feuilles à trois folioles, de son stigmate terminant nettement le style sans être placé obliquement ni relié à un côté du style ; ce même genre offre aussi avec le genre Spartium le caractère commun d'avoir dans la corolle une carène formée de deux pétales libres entre eux.
Les genres Argyrolobium et Adenocarpus qui offrent tous deux un calice dont la lèvre supérieure est divisée en deux jusqu'à la base et une corolle dont l'étendard est étalé et la carène redressée, se rapprochent des Genista et des Cytisus par leur calice à deux lèvres, leurs anthères inégales, les filets des étamines non dilatés à leur sommet et leurs feuilles à trois folioles.
Le genre Lupinus, très distinct par ses feuilles à plus de trois folioles et disposées en éventail, a quelque rapport avec les genres précédents par ses caractères floraux, notamment par le calice profondément divisé en deux lèvres, la carène courbée et le stigmate disposé obliquement sur le style. Ce même genre Lupinus offre aussi quelques caractères communs avec le genre Ononis, par exemple la forme de l'étendard qui, dans les deux genres, est anguleux sur le dos et étalé sur les côtés, et par les stipules nettement développées et soudées au pétiole dans leur partie inférieure.
Un second groupe, comprend neuf genres de notre Flore qui ont en commun les caractères suivants : 9 étamines soudées par leurs filets et la dixième libre, feuilles à 3 folioles et fruit à une seule loge. Ce sont les genres Medicago, Melilotus, Trigonella, Trifolium, Dorycnium, Dorycnopsis, Lotus, Tetragonolobus et Bonjeania.
Les espèces de Medicago à fruit peu contourné se rapprochent des Trigonella, et un passage entre ces deux genres est fourni par le Medicago sativa dont quelquefois les fruits s'ouvrent à la fois par leur bord externe et par leur bord interne comme ceux des Trigonella. Inversement, le Trigonella hybrida se relie aux Medicago par la constitution des fruits. D'autre part, le genre Trigonella se rapproche des Trifolium par l'espèce Trigonella ornithopioides dont la carène est aiguë, la corolle longtemps persistante et dont le fruit est un peu arqué, comme ceux des Trigonella, mais dépassé par le calice, ce qui la rapproche encore des Trifolium. Les espèces de Medicago, à fruits presque droits sont aussi à rapprocher des MeliLotus, et parmi les espèces de ce dernier genre, le MeliLotus caerulea offre des caractères intermédiaires entre les autres Melilotus et les Trigonella. Chez le Trifolium Lagopus, la corolle n'est pas persistante, mais tombe après la floraison comme dans les genres précédents.
Les Lotus, Bonjeania et Tetragonolobus sont voisins les uns des autres par les caractères de leur feuille, et en particulier par celui des stipules qui sont développées comme des folioles. On peut même trouver quelque rapport entre le Lotus edulis et certains Trifolium par le fruit restant enfermé dans le calice, et s'ouvrant par deux valves qui ne se tordent pas sur elles-mêmes.
Un autre groupe de Papilionacées est caractérisé par les feuilles à plus de trois folioles, avec une foliole terminale impaire, à étamines dont 9 seulement sont soudées par leurs filets, la dixième restant libre, et dont le fruit s'ouvre par deux valves. Parmi ces genres, les Astragalus, Oxytropis, Phaca et Biserrula sont remarquables par leurs fruits qui sont, en général, complètement ou incomplètement subdivisé à l'intérieur par une cloison longitudinale. Les trois premiers de ces genres sont extrêmement voisins les uns des autres ; on les réunit souvent un en seul genre. Quant au genre Biserrula, il offre certains rapports avec le genre Astragalus par les caractères cités plus haut et par sa fleur à carène obtuse au sommet. On peut signaler une lointaine ressemblance entre les Astragalus ou genres voisins d'une part, et les Genista ou genres voisins d'autre part, à cause de la forme semblable de leurs poils en navette.
Les genres Colutea, Robinia, Galega, Glycyrrhiza diffèrent des précédents par leurs fruits sans fausse cloison longitudinale soit complète, soit même incomplète, et aussi parce que, lorsque les espèces de ces genres viennent de germer, leurs premières feuilles sont opposées tandis que ces feuilles primordiales sont alternes chez les espèces des genres précédents. Un certain passage, cependant, peut être établi entre ces deux derniers groupes de genres par le Phaca australis L. (Colutea australis Lam.) dont le fruit est à peine épaissi sur le bord, en dedans, et ne présente qu'une seule loge comme celui des Colutea dont il a d'ailleurs l'aspect enflé, membraneux et veiné. Le genre Galega présente une transition vers les genres de Papilionacées dont les 10 étamines sont toutes soudées ensemble par leurs filets, car les 10 étamines des Galega sont soudées, mais l'une d'elles ne l'est avec les autres que jusqu'à la moitié de la longueur du filet.
Un autre groupe de genres, comprenant les Vicia, Lathyrus, Pisum et Cicer, est, en général, caractérisé par la foliole terminale qui, au lieu d'être semblable aux autres, est transformée en une vrille ou en un filet ; quelquefois toute la feuille, sauf les stipules, est représentée par une vrille ou un pétiole aplati. Ces genres sont également remarquables par les cotylédons, ordinairement très épais et charnus, restant sous le sol pendant la germination, sans devenir des feuilles vertes comme chez presque toutes les autres Papilionacées.

Liaisons entre les genres de Papilîonacées. La surface de chaque cercle, correspondant à un genre, est proportionnelle au nombre d'espèces que renferme ce genre dans notre Flore. Les traits pleins qui joignent les cercles les uns aux autres indiquent les liaisons importantes entre les genres, et sont d'autant plus courts que ces liaisons sont plus grandes. Les traits pointillés indiquent des liaisons plus lointaines.

Dans les diverses espèces de ces genres, les étamines sont ou bien toutes soudées entre elles par leurs filets ou, plus souvent, avec 9 étamines soudées et la dixième libre ; on trouve d'ailleurs des intermédiaires entre ces deux dispositions. Il existe plusieurs liaisons entre les genres Vicia et Lathyrus : chez le Vicia Orobus, par exemple, les feuilles se terminent par une courte arête (et non par une vrille) comme chez plusieurs espèces de Lathyrus ; chez le Vicia bithynica, les caractères végétatifs sont très semblables à ceux des Lathyrus, et, inversement, le Lathyrus niger a des folioles nerviées latéralement à partir d'une nervure médiane comme chez presque toutes les espèces de Vicia. Le genre Pisum est relié aux Lathyrus par l'espèce Pisum maritimum L. (Lathyrus maritimus Big.) qui présente des caractères intermédiaires entre ceux des deux genres. Quant au genre Cicer, il est plutôt voisin des Vicia, à cause du tube des etamines qui est comme coupé très obliquement au sommet. Les Cicer ont d'ailleurs (par exception dans ce groupe) des feuilles à foliole terminale développée ; c'est ce qui s'observe aussi chez quelques Vicia, par exemple, normalement chez le Vicia argentea, et dans des formes anormales de Vicia tetrasperma ou de Vicia sativa.
D'autres genres de la Famille sont remarquables par leurs fruits qui, au lieu de s'ouvrir par deux valves, se divisent transversalement en articles se détachant chacun, sans s'ouvrir, avec la graine qu'il renferme. Ce sont les genres Coronilla, Hippocrepis, Ornithopus, Scorpiurus, Scorpioides, Securigera, Hedysarum auxquels il faut joindre le genre Onobrychis dans lequel le fruit est réduit à un seul article ne s'ouvrant pas, mais qui par tous ses autres caractères est relié aux Hedysarum. Dans tous ces genres, il y a 9 étamines soudées par leurs filets et la dixième libre, les feuilles sont à folioles disposées par paires avec une foliole terminale, rarement réduites à une seule foliole (Scorpiurus).
On pourrait établir un passage entre ce groupe de genres et le genre Lotus, ou ses voisins immédiats, par le genre Securigera. En effet, chez ce dernier, les fruits sont divisés en articles, mais ils ne se séparent pas les uns des autres, et le fruit tombe tout entier. D'autre part, chez les Lotus et Tetragonolobus, les graines sont séparées entre elles, dans le fruit, par un tissu plus ou moins lâche qui correspond au tissu plus ferme séparant les graines les unes des autres dans les fruits de Securigera.
Tous les groupes de genres qui viennent d'être passés en revue peuvent, directement ou indirectement, d'une façon assez nette ou plus lointaine, se rattacher au genre Anthyllis, qui, comme l'a montré Vuillemin, établit de nombreux passages entre les genres et les groupes de genres chez les Papilionacées.
Les Ononis, et tous les genres du groupe auquel il se rattache, se relient aux Anthyllis par les étamines toutes soudées entre elles par leurs filets, et le genre Ononis plus particulièrement par le fruit qui, chez certaines espèces reste renfermé dans le calice comme celui des Anthyllis.
Le genre Hymenocarpus était compris par Linné dans le genre Medicago à cause du fruit recourbé en forme de rein comme celui du Medicago Lupulina et de quelques autres espèces du même genre ; mais le genre Hymenocarpus ne diffère guère, à part cela, des Anthyllis que par son calice non renflé. Ce même genre est encore intermédiaire entre les Anthyllis à 10 étamines soudées ensemble et les Medicago ou genres voisins à 9 étamines soudées et la dixième libre, car il présente 10 étamines soudées dont une est moins longuement adhérente que les 9 autres.
Le genre Dorycnopsis que la plupart des caractères rattachent au genre Dorycnium se rapproche des Anthyllis par la constitution de ses feuilles ayant 5 à 9 folioles et par son fruit qui reste enfermé dans le calice. Ce genre rattache donc encore aux Anthyllis tout le groupe formé par 1s genres qui sont voisins des Lotus.
Les Psoralea ressemblent aux Anthyllis par leur fruit qui ne s'ouvre pas, qui renferme une seule graine et qui reste inclus dans le calice ; mais d'autre part, le genre Psoralea est rapproché des genres Galega et Glycyrrhiza, notamment par le caractère d'avoir les feuilles primordiales opposées ; ainsi se rattache encore aux Anthyllis tout un groupe de genres relié lui-même aux Astragalus et aux genres voisins. C'est ce même genre Psoralea qui établit aussi un lien, assez peu serré, entre les genres précédents et les genres Vicia ou Lathyrus. La forme des poils et divers caractères anatomiques montrent, en effet, qu'on peut établir quelque rapport entre les Psoralea et le genre Phaseolus, et celui-ci par plusieurs de ses espèces où l'on voit les cotylédons épais et charnus demeurer sous le sol pendant la germination rappelle les Vicia et genres voisins qui présentent ce même caractère.
Enfin, c'est encore au genre Anthyllis que se relie, dans une certaine mesure, le genre Scorpiurus et par suite tous les genres qui se rapprochent de ce dernier par leurs fruits divisés en articles transversaux. C'est qu'en effet, les Scorpiurus offrent à l'état adulte les feuilles simples qui caractérisent beaucoup d'Anthyllis dans leur jeune âge, et qui même persistent chez certaines formes alpines. D'ailleurs, les stipules des Scorpiurus sont très semblables à celles des Anthyllis, et leur fruit est parfois divisé en articles qui ne se séparent pas les uns des autres.
Il existe aussi des relations, entre les genres de Papilionacées, tirées de la composition chimique des plantes qu'ils renferment. C'est ainsi que les Pisum contiennent de la trigonelline comme les Trigonella. Les graines de Phaseolus vulgaris et de Cicer arietinum renferment de la lécithine ; on trouve dans celles de Vicia Lens, de Pisum commune à la fois de la lécithine, de la légumine, de la léguméline et de la choline. Les trois premières substances se rencontrent aussi dans les graines de Vicia Faba et la dernière dans le Lathyrus sativus. On peut citer encore les tiges souterraines et les racines de Glycyrrhiza glabra et de Trifolium alpinum qui renferment de la glycyrrhizine.
On voit ainsi comment s'établissent de multiples liens entre tous les genres de la famille des Papilionacées, si remarquable par l'uniformité de son type floral.

AFFINITÉS DES PAPILIONACÉES AVEC LES AUTRES FAMILLES.
Les Papilionacées constituent avec les Césalpiniées et la famille exotique des Mimosées le grand groupe des Légumineuses qui offre des liaisons avec les Rosacées.
Nous verrons plus loin comment ces divers rapports peuvent s'établir.

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