Renonculacées : Liaisons entre les divers genres.

En se limitant aux genres et aux espèces de notre Flore, on peut exprimer, par le schéma que représente la figure 1, les liaisons qui s'établissent entre les divers genres de Renonculacées.
L'ensemble des genres Clematis, Thalictrum et Anémone est surtout caractérisé par la fleur sans pétales et dont les sépales ont une consistance et une couleur analogues à celles qui présentent ordinairement les pétales dans une fleur complète ; dans ces trois genres, le fruit a des carpelles qui ne s'ouvrent pas et qui ne renferment chacun qu'une seule graine. Les Clemalis sont reliés aux Anémone par les espèces qui, dans l'un et dans l'autre genre, présentent un style long, persistant et plumeux au sommet de chaque carpelle ; tels sont les Clematis de notre Flore, les Anémone vernalis, A. Pulsatilla, A. alpina. Certains caractères chimiques rapprochent aussi ces deux genres, puisqu'on trouve, par exemple, dans le Clematis Vitalba, une substance presque identique au « camphre d'Anémone » extrait de l'Anémone Pulsatilla. Le genre Thalictrum se rapproche des Clematis, notamment du Clemalis recta, plante herbacée et non grimpante, et aussi des Anémone, par l'espèce Thalictrum tuberosum dont les fleurs à grands sépales blancs, au nombre de 4 à 5, sont à peu près constitués comme celles des Clematis ou des Anémone. Le rapprochement entre cette espèce de Thalictrum et l'Anémone silvestris, qui présente parfois des tiges rameuses sans qu'il y ait alors, à proprement parler, d'involucre, établit un passage entre les deux genres.
Au genre Clematis se rattache étroitement le genre Atragene dont les étamines extérieures sont transformées en petits pétales, car ces pétales peuvent manquer parfois, de même qu'on peut observer assez souvent des fleurs de Clematis dont les étamines extérieures ont plus ou moins complètement la forme de petits pétales. Les feuilles opposées, divisées en folioles, les pétioles contournés en vrille, relient ces deux genres d'une manière évidente. Au genre Anémone se rattache, étroitement aussi, le genre Hepatica, qui s'en rapproche par son involucre à trois feuilles ; ces feuilles, il est vrai, sont, chez les Hepatica, très petites, entières et placées tout contre les sépales colorés, mais l'involucre est serré contre la fleur dans quelques Anémone, au moins lorsque la fleur est jeune. Entre ces deux genres, on peut encore citer comme caractères communs : les feuilles toutes insérées à la base de la tige, sauf celles de l'involucre, et la présence dans toutes ces plantes de 1' « anémonal », dédoublable en « anémonine » et « acide anémonique ».
Un autre groupe de genres est caractérisé par le fait d'avoir, comme les précédents, un fruit avec des carpelles indéhiscents et à une seule graine, mais, en même temps, des fleurs qui présentent à la fois un calice et une corolle. Ce groupe comprend le grand genre Ranunculus, quelques petits genres qui s'y rattachent (Ficaria, Myosurus Ceratocephalus), ainsi que le genre Adonis. Ce dernier genre vient se placer entre les genres Anémone et Ranunculus. Les Adonis se rapprochent des Anémone par leurs carpelles où l'ovule est attaché vers le haut de l'ovaire, et non vers le bas comme dans la plupart des Ranunculus, et par ses pétales, parfois réduits à trois, et même moins, analogues alors à ces languettes en forme de pétales qu'on remarque exceptionnellement à la place de quelques étamines externes dans plusieurs espèces d'Anémone, ces pétales exceptionnels, comme ceux d'Adonis, n'ont pas de fossette nectarifère à leur base. Les Adonis ont aussi plusieurs caractères communs avec les Ranunculus : la présence de pétales et de sépales, le fruit formé de nombreux carpelles en masse allongée comme chez le Ranunculus Chaerophyllos, par exemple ; enfin, les feuilles découpées en lanières, chez les Adonis, rappellent, par leur constitution et leur structure, les feuilles des Anémone Pulsatilla, Ranunculus arvensis, etc. Le genre Ranunculus présente aussi des affinités variées. C'est ainsi que le fruit de la plupart des espèces de ce genre est très semblable à celui des Anémone nemorosa, A. ranunculoides, etc., qu'on trouve dans les Ranunculus de 1' « anémonal » et du « camphre d'Anémone » comme dans les Anémone, que le Ranunculus rutaefolius, par exemple a son ovule attaché vers le haut de l'ovaire comme chez les Adonis, que les fleurs des Ranunculus auricomus qui sont souvent sans pétales et à sépales colorés ressemblent alors assez aux fleurs de Thalictrum macrocarpum, etc., etc.

Fig.1. Liaisons entre les genres de Renonculacées. La surface de chaque cercle, correspondant à un genre, est proportionnelle au nombre des espèces que renferme ce genre dans notre Flore. Les traits pleins qui joignent les cercles les uns aux autres indiquent les liaisons importantes entre les genres, et sont d'autant plus courts que ces liaisons sont plus grandes. Les traits pointillés indiquent des relations plus lointaines.

Les Myosurus ont, ainsi que les Ranunculus, 5 sépales et 5 pétales ; ces derniers sont en cornet à la base comme les pétales de certains exemplaires de Ranunculus auricomus ; les carpelles y sont disposés en spirale comme dans les Ranunculus. Pour ces diverses raisons, malgré l'ovule attaché vers le haut (cas qui se présente d'ailleurs chez certaines espèces de Ranunculus}, ces deux genres soit étroitement rattachés l'un à l'autre. Il en est de même du genre Ficaria dont le fruit est très semblable à celui des Ranunculus à court style, et dont la fleur a des pétales à fossette nectarifère, comme chez les Ranunculus. Quant au genre Ceratocephalus, il est aussi très étroitement relié aux Ranunculus par ses fleurs à 5 sépales et à 5 pétales, ces derniers à fossette nectarifère. Mais ce genre est à placer entre les Renonculacées précédentes et celles qui ont des carpelles à plusieurs ovules, plus spécialement près des Caltha où le nombre des ovules est parfois réduit à 3, à 2 ou même à un seul dans un carpelle ne s'ouvrant pas. En effet, chaque carpelle de Ceratocephalus porte à sa base deux excavations vides, et l'étude de leur développement permet de voir que ces sortes de renflements contenaient, à un certain moment, des ovules avortés.
Un autre groupe encore de Renonculacées comprend les trois genres Helleborus, Nigella, Aquilegia et les genres moins importants qui s'y rattachent. Chez toutes les espèces de ces genres, le fruit est formé de carpelles contenant chacun de nombreuses graines, et s'ouvrant chacun par une fente située du côté intérieur. En outre, ces plantes sont, comme les précédentes, à fleurs régulières et à étamines dont les anthères sont tournées en dehors. Les Helleborus, Nigella, et Aquilegia ont comme caractères communs : la fleur à pétales en forme de cornet nectarifère, les sépales au nombre de 5, et le fruit, dont les carpelles, peu nombreux en général, sont soudés entre eux au moins par leur partie basilaire. De plus, certains Helleborus, tels que l'Helleborus niger, ont des sépales ayant l'apparence de pétales comme chez les Nigella et les Aquilegia. On peut noter chez ce dernier genre, une constitution des feuilles assez analogue à celle qu'on observe chez certains Thalictrum, comme le Thalictrum aquilegifolium.
Les Trollius ont les pétales presque complètement en cornet, ce qui les rapproche des Helleborus, mais le fruit est formé de carpelles nombreux, caractère qui les relie aux Caltha ainsi que le fait d'avoir des sépales jaunes ressemblant, par leur consistance et leur couleur, aux pétales des Ranunculus à fleurs jaunes. Le genre Caltha vient donc se placer, d'après ce que nous avons dit plus haut, entre les Ceratocephalus et les Trollius. Ce genre Caltha est d'ailleurs assez analogue au genre Ficaria par les caractères des parties végétatives, et, comme les Anémone, est remarquable par l'absence de pétales. Le genre Eranthis présente des affinités complexes : il est relié aux Helleborus par de petits pétales en forme de cornet, par son mode de végétation très analogue à celui de l'Helleborus niger, et par les substances qu'on a extrait de ses tissus, lesquelles sont très voisines de 1' «helléborine » et de « l'helléboréine» ; mais, d'autre part, son involucre le rapproche des Anémone, et la forme et la structure de ses feuilles rappellent les feuilles de Trollius. Ces diverses affinités sont indiquées sur la figure 1. Quant au genre Garidella, il se rattache très directement aux Nigella dont il ne diffère que par les dimensions relatives de ses sépales et de ses pétales, ainsi que par la forme de ces derniers. Notons que la constitution des feuilles, chez ces deux derniers genres, rappelle celle des feuilles des Adonis. Le genre Isopyrum se rattache aussi aux Helleborus par la constitution de sa fleur et de son fruit, mais la forme de ses feuilles et son mode de végétation par rejets souterrains, avec couronnes successives de racines adventives, le rapprochent de certains Thalictrum à rameaux allongés sous le sol.
Le groupe formé par les genres Delphinium et Aconitum présente des fleurs dont la constitution fondamentale est la même que celle des fleurs dans les genres précédents, notamment dans les Aquilegia, ainsi qu'un fruit tout à fait analogue, à carpelles peu nombreux, chacun renfermant beaucoup de graines et s'ouvrant par une fente interne ; les anthères sont aussi tournées vers l'extérieur de la fleur. Mais dans ces deux genres la fleur est irrégulière, c'est-à-dire symétrique par rapport à un seul plan. Ces genres Delphinium et Aconitum sont reliés entre eux, non seulement par l'irrégularité de leur fleur, mais aussi par d'autres caractères communs. Dans les deux cas, il y a 5 sépales ayant la consistance et la couleur de pétales, le sépale supérieur étant plus grand que les autres et protégeant ou renfermant les deux pétales supérieurs, lesquels sont prolongés tous deux en éperon nectarifère. Les autres pétales sont plus petits parfois en partie avortés. Il y a aussi de grandes ressemblances dans la constitution des feuilles chez certaines espèces de ces deux genres, par exemple chez le Delphinium elatum et l'Aconitum Napellus. Une assez lointaine affinité peut être signalée entre les Aconitum et les Ranunculus, car les espèces de ce dernier genre contiennent de l'acide aconitique comme celles du premier. Il existe des relations entre ce groupe de Renonculacées à fleurs irrégulières et les Aquilegia, d'autant plus que certaines fleurs anormales de Delphinium présentent parfois un aspect régulier avec sépales sans éperon et semblables entre eux, alternant avec des pétales égaux et terminés chacun par un éperon, à peu près comme dans une fleur d'Aquilegia.
Enfin, reste un groupe formé par les deux genres Actaea et Paeonia qui n'ont guère que les caractères communs suivants : fleurs régulières à étamines dont les anthères ont leurs deux loges situées de chaque côté, de façon que l'anthère n'est tournée ni en dehors ni en dedans ; fruit plus ou moins charnu. La fleur des Actaea, toujours à un seul carpelle, peut être comparée, surtout lorsque les pétales y sont avortés, à certaines fleurs de Thalictrum chez lesquelles le pistil est réduit à un carpelle. Dans les deux cas, le fruit ne s'ouvre pas. D'autre part, les feuilles de l'Actaea ont une certaine ressemblance avec celles des Atragene par la forme et la disposition de leurs folioles. Les Paeonia ont les feuilles à folioles disposées trois par trois ainsi que chez les Actaea, mais d'un aspect très différent ; ces feuilles présentent souvent, comme chez l'Helleborus foetidus, tous les intermédiaires entre une feuille de la base à gaine réduite tandis que le limbe est très développé, et une bractée, avoisinant les sépales, presque réduite à la gaine dilatée ; parfois, les sépales offrent eux-mêmes, à leur sommet, une ébauche de limbe foliaire. Le fruit des Paeonia est analogue à celui des Helleborus, mais, à la maturité, les carpelles deviennent presque charnus.
En somme, on voit que des liens très variés réunissent entre eux tous les genres de la famille des Renonculacées ; c'est ce que confirme aussi l'étude anatomique de ces plantes.

AFFINITÉS DES RENONCULACÉES AVEC D'AUTRES FAMILLES.
Les Renonculacées ont certains caractères qui les rapprochent plus ou moins des Berbéridées et des Nymphéacées, parmi les familles comprises dans notre Flore. Ces affinités seront établies plus loin à propos de ces familles. Parmi les groupes de plantes exotiques, les familles des Magnoliacées et des Ménispermées ont plusieurs traits communs avec les Renonculacées. Enfin, par leur structure anatomique, par certaines germinations où la jeune plante présente un seul cotylédon entier ou bilobé (Ficaria) ou deux cotylédons engainants et non exactement opposés (Garidella). les Renonculacées offrent certains points de rapprochement avec le grand groupe des Monocotylédones.

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