Cette espèce, bien connue sous le nom de « Vipérine », est très répandue dans presque toutes les contrées de notre Flore. La plante, de 30 à 80 cm, a des fleurs d'abord rouges puis violacées ou bleues, rarement roses ou blanches, qui s'épanouissent depuis le mois de mai jusqu'au mois d'août et parfois encore en automne ; on la trouve dans les endroits secs, pierreux, au bord des chemins, sur les coteaux ou dans les taillis, parfois dans les champs.
Les feuilles, ainsi que les tiges, sont couvertes de poils raidesj fins et piquants, ayant chacun à leur base un petit tubercule ordinairement d'un brun violacé, mais parfois de teinte blanchâtre ; ces poils sont entremêlés d'un duvet court et souvent renversé par rapport à la direction de la tige ; les feuilles sont ovales-allongées ou étroites, rudes, avec une forte nervure saillante en dessous ; les inférieures sont atténuées en pétiole et celles de la base sont groupées en rosette (parfois desséchées au moment de la floraison). Les fleurs sont disposées en grappes recourbées dont l'ensemble forme une inflorescence composée, cylindrique dans son contour général. Le calice est hérissé de poils raides, à divisions étroites dressées ou plus rarement étalées-dressées. La corolle, dont la longueur varie de 7 à 20 millimètres, présente un tube qui peut ne dépasser qu'à peine le calice, mais qui peut aussi être plus long et même atteindre quelquefois jusqu'à trois fois la longueur du calice. La corolle est terminée par 5 lobes très inégaux et dont l'ensemble est disposé très obliquement par rapport au sommet du tube de la corolle. Les étamines ont des filets sans poils. Le fruit mûr est composé de 4 parties noires, non en carène mais un peu déprimées sur leur face extérieure, inégalement couvertes de petits tubercules.
C'est une plante bisannuelle, à tiges fleuries dressées, à racine principale développée, brune, en forme de fuseau allongé. La plante a été cultivée par semis au moyen de graines provenant toutes d'un même plant croissant aux Environs de Paris ; ces cultures ont été établies comparativement à diverses altitudes des Pyrénées (Cadéac, col d'Aspin, Pic d'Arbizon) ; or, c'est à Cadéac que les feuilles étaient les plus vertes ; les graines semées au Pic d'Arbizon germaient difficilement et on n'obtenait que des échantillons rabougris, mais à fleurs plus grandes et d'un bleu plus foncé ; il en résulte que l'espèce présente, au point de vue de l'adaptation alpine, un optimum d'altitude qui n'est pas très élevé (G. Bonnier). (On a décrit diverses anomalies de cette espèce : tiges fasciées, c'est-à-dire soudées ensemble dans leur longueur ; pétales, étamines ou carpelles transformés en sépales ; fleurs à parties semblables divisées par 4 ; etc.). Le type principal se reconnaît à ses feuilles couvertes de poils piquants peu serrés ; à la corolle dont les lobes sont dressés et qui mesure de 12 à 18 mm de longueur ; aux étamines très saillantes au-delà de la corolle.
Noms vulgaires. En français : Vipérine, Herbe-aux-vipères, Herbe-à-la-vipère, Langue-d'oie, Buglosse, Buglosse-saitvage. En alsacien : Wild-Ochsenzung. En allemand : Natterkopf, Otterkopf, Ochsenzunge, Schlangenhaupt, En flamand : Slangen-Kruid. Slangenkop, Adderkruid. En italien : Buglossa-salvatica, Dente-di-cane, Lingua-di-bove. En anglais : Viper's-herbe, Vi-per's-grass, Bugloss, Cat's-tail.
Usages et propriétés. Les fleurs sont très visitées par les abeilles qui y récoltent un nectar abondant, sortant des 4 proéminences nectarifères bien développées à la base et en dehors de chacune des 4 parties de l'ovaire. La plante est adoucissante, pectorale, diurétique. Les feuilles et les sommités sont émollientes et employées contre la toux. La plante recèle un alcaloïde toxique la cynoglossine, mais qui est en trop petite quantité (0,0017 pour cent du poids de la plante fraîche) pour la rendre dangereuse ; cet alcaloïde a la propriété, comme le curare, de paralyser le système nerveux ; la plante renferme aussi de la choline et un glucoalcaloïde la consolidine (qui donne comme produit séparé l'alcaloïde dénommé consolicine). Les cendres de la plante contiennent, pour cent : 25,5 de silice ; 26 de chaux ; 23 de potasse ; 8,4 de soude ; 5 de chlore ; 5 de magnésie ; 3,8 d'acide sulfurique ; 2,7 d'acide phosphorique ; 1 de sesquioxyde de fer.
Distribution. Peut s'élever jusqu'à 1.800 m d'altitude sur les montagnes, et même, accidentellement, à des altitudes plus grandes. France : très commun ou commun en général (assez rare ou rare en certaines contrées ; par exemple dans le Finistère, dans les Ardennes). Suisse : commun. Belgique : commun dans la Bégion houillère, assez commun dans la Région jurassique ; assez rare dans la Bégion hesbayenne ; rare dans les autres Régions.
Europe : toute l'Europe, y compris la partie Sud de la zone arctique. Hors d'Europe : Sud et Sud-Ouest de l'Asie ; Algérie ; naturalisé en Amérique.
On a décrit 2 races de cette espèce ; ce sont les suivantes :
E. wierzbickii Haberle (V. de Wierzbick)
Corolle de 7 à 10 mm de longueur ; étamines complètement ou presque complètement renfermées dans la corolle ; fruit à 4 parties couvertes de tubercules très marqués et comme empreintes d'un réseau alvéolé ; feuilles de la base ne dépassant guère, ordinairement, plus de 7 cm de longueur. Dans un semis de cette race peuvent se produire parfois des plants ayant la moitié des fleurs à corolle grande et à étamines saillantes et l'autre moitié à corolle petite et à étamines non saillantes (Cariot) ; d'autres semis ont donné plusieurs plants ayant presque tous les caractères du type principal (Boyer). (Çà et là, en même temps que le type).
E. pustulatum Sibth. et Sm. (V. à pustules)
Corolle de 16 à 20 mm, à tube plus long que le calice ; étamines très saillantes au delà de la corolle ; fruit à 4 parties couvertes de forts tubercules ; feuilles étroites, souvent soudées en dessous sur les bords, dont les poils raides et piquants sont assez serrés et sortent chacun d'un tubercule très prononcé ; plante d'un vert cendré. (Bégion méditerranéenne).