La Famille des Ombellifères étant une famille très naturelle, dont toutes les espèces offrent entre elles un grand nombre de caractères communs, l'établissement des genres y est particulièrement difficile, et les relations que l'on peut établir entre eux sont nombreuses et de nature variée. On peut s'en rendre compte en jetant un coup d'oeil sur la synonymie des espèces. On voit très souvent qu'une même espèce a été placée par les divers auteurs dans un assez grand nombre de genres différents, ce qui dénote, chez ces auteurs, une incertitude très marquée dans les caractéristiques des genres.
Les genres des Ombellifères ont été surtout établis d'après les caractères du fruit, mais l'inconvénient que présente ce procédé qui consiste à envisager presque exclusivement les caractères d'une seule partie de la plante est souvent très frappant. C'est ainsi que cette classification éloigne les unes des autres des espèces qui, forme du fruit mise à part, offrent entre elles les plus grandes analogies. Tel est l'Anthriscus vulgaris qui se trouve, par son fruit, écarté des espèces de Daucus ou de Caucalis avec lesquelles il présente de nombreux caractères communs. Tel est encore le Conopodium denudatum dont le développement est presque identique à celui du Carum Bulbocastanum et qui en sera éloigné parce que les graines sont pliées en gouttière dans le premier cas et non pliées ainsi dans le second.
Géneau de Lamarlière, dans un travail très approfondi, a cherché à établir des relations entre les diverses groupes d'Ombellifères en faisant intervenir tous les caractères y compris ceux que présentent la germination, le développement et la structure. La figure 15 représente les principales liaisons que l'on peut établir d'après les études de cet auteur entre les genres déterminés par les caractères du fruit, surtout d'après les classifications d'Hoffmann et de Koch.
Fig. 15. Liaison entre les genres d'Ombellifères. La surface de chaque cercle, correspondant à un genre, est proportionnelle au nombre des espèces que renferme ce genre dans notre Flore. Les traits pleins qui joignent les cercles les uns aux autres indiquent les liaisons importantes entre les genres et sont d'autant plus courts que ces liaisons sont plus grandes. Les traits pointillés indiquent les liaisons plus lointaines.
On peut d'abord grouper ensemble 8 genres d'Ombellifères qui diffèrent de tous les autres par les côtes longitudinales supplémentaires qui sont plus ou moins saillantes sur le. pourtour du fruit. En général, le fruit des Ombellifères présente 10 côtes, dites « côtes primaires » (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ; fig. 16). Ces côtes sont visibles sur le fruit dans les 8 genres en question, mais en outre il s'y forme, entre les côtes primaires de chaque moitié du fruit, des côtes supplémentaires au nombre de huit (a, b, c, d, e, f, g, h, : fig. 17) qu'on désigne sous le nom de « côtes secondaires » ; ces côtes secondaires sont même, ordinairement, plus développées que les côtes primaires des mêmes fruits.
Dans les genres Daucus et Caucalis, les côtes secondaires sont très saillantes et présentent un ou plusieurs rangs d'aiguillons, et le premier de ces genres est caractérisé surtout par les bractées de l'involucre qui sont très divisées. Certaines espèces de Caucalis comme les Caucalis grandifora et Caucalis platycarpos se rapprochent du genre Daucus par le fruit qui est comprimé parallèlement à la cloison, tandis que chez la plupart des autres espèces de Caucalis, il est comprimé perpendiculairement à la cloison. Dans le genre Torilis, on ne distingue pas facilement les côtes secondaires, car tout l'extérieur du fruit est couvert d'aiguillons. Ces trois genres se rapprochent aussi par leur développement : ce sont des plantes annuelles ou bisannuelles, à germination rapide, à cotylédons ovales-allongés et rétrécis en pétiole à leur base.
Les genres Bifora et Coriandrum ne renferment aussi que des espèces annuelles, mais leurs fruits sont dépourvus d'aiguillons et leurs côtes secondaires comme leurs côtes primaires sont peu saillantes ; ces fruits sont presque doublement globuleux. Le genre Thapsia en diffère surtout par les 4 côtes secondaires les plus voisines de la cloison qui sont saillantes et ailées, et dans le genre Laserpitium, les 8 côtes secondaires sont toutes développées en ailes membraneuses. Le genre Siler vient se placer comme intermédiaire entre les deux genres précédents et les deux genres cités avant, car ses côtes secondaires ne sont pas saillantes (comme chez les Bifora et les Coriandram) et le fruit est comprimé parallèlement à la cloison (comme chez les Thapsia et Laserpitium). Les espèces de ces deux derniers genres et du genre Siler sont vivaces et se perpétuent par des bourgeons nés sur leur tige souterraine.
Dans tous les genres d'Ombellifères autres que les 8 genres précédents le fruit ne présente jamais de côtes secondaires.
Parmi ces genres on peut d'abord mettre complètement à part le groupe constitué par les trois genres Astrantia, Eryngium et Sanicula, remarquables par leurs feuilles inférieures à lobes disposés en éventail et par leur fruit qui est couvert de petites écailles pour les deux premiers genres et d'aiguillons pour les Sanicula. Chez les trois genres, les ombelles sont simples ou plus rarement, chez le dernier, groupées en grappes ou en ombelles composées irrégulières ; ce dernier cas forme une transition vers les ombelles composées des autres Ombellifères. Dans le genre Eryngium les fleurs sont très serrées les unes contre les autres, souvent à pédoncules courts ou très courts, de telle sorte que les fleurs semblent disposées en capitules.
On peut encore placer à part le genre Hydrocotyle caractérisé par son fruit sans canaux sécréteurs et dont les deux graines font saillie vers la cloison, en B (fig. 23) ; ce genre est aussi très distinct par ses feuilles simples arrondies, dont le pétiole semble s'insérer en dessous et au milieu du limbe. Par ses ombelles simples, et ses fleurs à pédoncules courts, ce genre se rapproche un peu des précédents, et par leur mode de vie, les plantes qui le composent sont voisines de l'Eryngium viviparum.
Il faut aussi donner une place spéciale au genre Buplevrum dont toutes les espèces ont les feuilles entières. Nous verrons plus loin que ce genre a cependant de vagues affinités avec quelques autres.
Mais, ces quelques groupes mis à part, le reste des Ombellifères de notre Flore ; réparties en 55 autres genres, est d'une classification très difficile. En se fondant sur la forme et la structure du fruit, on y établit cependant des distinctions fondées sur les caractères suivants. En premier lieu, le fruit peut être comprimé perpendiculairement à la cloison (fig. 18) ou parallèlement à la cloison (fig. 19) ou encore, cas intermédiaire, présenter une section transversale à peu près circulaire (fig. 20). D'autre part, les 2 graines que renferme le fruit peuvent être creusées en gouttière du côté de la cloison en S (fig. 21) ou présenter de ce côté une face à peu près plane (fig. 22). Enfin, dans la paroi externe de chaque moitié du fruit, dans les intervalles entre les côtes, on voit généralement des canaux sécréteurs résinifères ; or, tantôt ces canaux sont isolés (fig. 24), tantôt ils sont réunis par groupes, en général par 2 ou 3 (fig- 25). Tels sont à peu près les seuls caractères tirés du fruit qui permettent d'établir des groupes dans cette masse de genres qui se ressemblent tous beaucoup entre eux.
Les genres Levisticum, Angelica et Selinum ont un fruit qui, à la fois, est comprimé parallèlement à la cloison et présente 6 côtes peu saillantes et 4 côtes ailées, non contiguës et situées près de la cloison.
Dans le premier de ces genres, les pétales sont arrondis et entiers, dans le second ovales et entiers, dans le troisième ovales et échancrés.
D'ailleurs, le groupe formé par ces trois genres se rapproche beaucoup du groupe constitué par le genre Peucedanum et les 8 autres genres qui en sont voisins ; en effet, chez ces 9 genres le fruit est également comprimé . parallèlement à la cloison et présente aussi 6 côtes peu saillantes et 4 côtes ailées, mais celles-ci sont contiguës et forment comme un cadre entourant le fruit. Ces 9 genres ne diffèrent guère entre eux que par la forme et la couleur des pétales ou par les canaux sécréteurs qui sont tantôt isolés (fig. 24), tantôt groupés par trois (fig. 25).
Un autre groupe, comprenant 16 genres, dont le plus important est le genre Oenanthe, rayonne plus ou moins autour des genres Ligusticum et Seseli. Le fruit, chez tous ces genres, présente une section transversale à peu près circulaire. Toutefois cet unique caractère qui leur est commun, assez peu important du reste, ne laisse pas que d'avoir le défaut de rapprocher les uns des autres des genres assez différents. Les Oenanthe, par leur calice s'accroissant après la floraison et par la disparition rapide de la racine principale remplacée par des racines adventives produites sur la tige souterraine, sont un peu à part dans ce groupe. Chez les Seseli et les genres voisins, les feuilles ont des segments découpés en lanières étroites et allongées souvent aiguës au sommet ; chez les Ligusticum et les genres voisins, les feuilles ont des segments relativement plus courts et à divisions plus ou moins arrondies au sommet. Le genre Meum se présente comme intermédiaire entre ces deux sous-groupes. Quant au genre Gaya, il forme une transition entre les Peucedanum qui ont, comme lui, le fruit comprimé parallèlement à la cloison, et les Ligusticum qui offrent un mode de développement de la plante assez analogue. Parmi ces genres, il faut encore citer les Cnidium et les Libanotis, qui par leur mode de vie et leur structure générale se rapprochent des, Peucedanum, et encore le genre Brignolia dont les analogies avec les Anethum sont frappantes.
Un autre groupe, comprenant 13 genres, est caractérisé par le fait d'avoir à la fois le fruit comprimé perpendiculairement à la cloison et les deux graines non courbées en gouttière du côté interne. Ce sont d'abord les trois, genres Ammi, Sison et Falcaria qui ont à la fois des pétales échancrés, les côtes voisines de la cloison étroitement appliquées l'une sur l'autre, les fruits à canaux sécréteurs isolés. Puis le Petroselinum, très voisin du genre Sison, et le genre Apiurn qui ne diffère guère des précédents que par ses pétales entiers. Le genre Aegopodium, caractérisé par l'absence, dans le fruit, de canaux sécréteurs distincts, est encore bien peu éloigné des genres qui viennent d'être cités. Il en est de même des genres Trinia et Pimpinella, le premier caractérisé par ses fleurs de deux sortes, le second par ses canaux sécréteurs groupés.
Le genre Ptychotis, voisin aussi des précédents, se relie au genre Helosciadium par l'Helosciadium intermedium que beaucoup d'auteurs rangent dans les Ptychotis à cause de ses pétales échancrés au sommet mais qui se rapproche des Helosciadium par son mode de vie et son calice à 5 dents. Ce dernier genre est proche des Sium auxquels il a été réuni par divers auteurs, et ceux-ci, par leurs canaux sécréteurs groupés par trois, se relient à plusieurs espèces du genre Carum qui présentent aussi ce caractère. D'autre part, le genre Cicuta, par son calice à 5 dents et ses pétales émarginés, se rapproche aussi des Sium.
Ce groupe de 13 genres, très homogène par les caractères du fruit, offre, au contraire, d'assez grandes divergences si l'on se place au point de vue du développement de la plante. C'est ainsi que les Sium, Helosciadium, Cicuta et le Carum verticillatum sont reliés aux Oenanthe par ce caractère de la disparition rapide de leur racine principale remplacée par des racines adventives. Le Petroselinum sativum présente une germination et une évolution analogues à celles des espèces du genre Daucus et des genres voisins.
Le genre Sison a des affinités de développement avec le genre Heracleum, ainsi que le genre Pimpinella. Enfin, les diverses espèces de Carum se rattachent aux genres les plus variés : aux Conopodium, Smyrnium et Chaerophyllum bulbosum par le mode tout spécial de germination et de tubérisation absolument analogue à l'évolution que présente le Carum Bulbocastanum dans son développement. Le Carum Carvi a des rapports avec les Ligusticum et, comme il a été dit plus haut, le Carum verticillatum avec les Oenanthe.
Les autres genres d'Ombellifères dont il reste à exprimer les liaisons, ont tous un fruit dont les deux graines sont pliées en gouttière du côté qui regarde la cloison (figure 21). Parmi ces genres, il en est 6 qui sont remarquables par leur fruit allongé ou plus ou moins terminé au sommet par un prolongement en bec. Les Ckaerophyllum ont un fruit long et étroit dont les parois contiennent des canaux sécréteurs isolés. Le genre Myrrhis en est voisin et ne diffère guère du précédent que par son fruit à côtes tranchantes, et l'absence de canaux sécréteurs. Le genre Conopodium, que certains auteurs ont, réuni aux Myrrhis, est surtout caractérisé par ses canaux sécréteurs qui sont groupés par 2 ou 3. Les genres Cerefolium, Scandix et Anthriscus se rapprochent aussi des précédents par leurs fruits, mais leur développement est tout à fait analogue à celui des Daucus, et, dans les Anthriscus, chez lesquels les côtes ne sont pas distinctes, on ne saurait affirmer si les caractères du fruit sont réellement bien différents de ceux des fruits de Torilis. Nous avons vu, en outre, que le développement des Conopodium est presque identique à celui du Carum Bulbocastanum, d'où encore une liaison avec un autre groupe de genres.
Le dernier groupe, comprenant 6 genres, est remarquable par son fruit non allongé ni en bec au sommet, généralement plus ou moins enflé, et ayant, comme les précédents, les deux graines pliées en gouttière sur la face qui regarde la cloison. Parmi eux, les Pleurospermum et les Molospermum présentent une évolution analogue à celle des Chaerophyllum, ainsi que le genre Conium. Le genre Physospermum se relie par son développement aux Peucedanum, et le genre Cachrys aux Seseli. D'autre part, par son inflorescence, ses feuilles épineuses, sa germination, le genre Echinophora offre plusieurs traits de ressemblance avec les Eryngium. Enfin, nous avons vu que les Smyrnium, par leurs cotylédons inégaux réunis entre eux par un long tube, par leur tubérisation précoce et leur développement, se rapprochent des Conopodium et de certains Carum.
Quant au groupe spécial des Buplevrum, il offre cependant quelques rapports, d'une part avec certains Smyrnium qui ont des feuilles simples et dont certaines espèces rappellent par leur port le Buplevrum rotundiiolium, d'autre part avec les Sium et les Pimpinella par la forme de leur fruit.
Les caractères tirés des substances renfermées dans les Ombellifères peuvent fournir aussi des ressemblances entre les genres. Chez presque tous, se trouve soit dans le fruit, soit dans la plante entière, des huiles essentielles, parfois presque identiques entre elles, en tout cas très voisines les unes des autres par leur composition chimique. Certains alcaloïdes, tels que la chaerophylline, la coniine, la cicutine, l'apiine, en général toxiques, donnent aussi des caractères de jonction entre plusieurs genres, car on peut trouver souvent le même alcaloïde dans des genres différents.
On voit, en somme, par l'examen détaillé des liaisons établies entre tous les genres d'Ombellifères, à quel point la plupart de ces genres sont mal définis par suite de la grande ressemblance que présentent entre elles presque toutes les espèces d'Ombellifères, lesquelles sont reliées les unes aux autres, et de plusieurs façons, par de nombreux caractères communs.
AFFINITÉS DES OMBELLIFĂRES AVEC LES AUTRES FAMILLES.
Les Ombellifères présentent peu d'affinités avec des familles de notre Flore, si ce n'est avec des familles qui sont placées plus loin : les Araliacées et les Cornées ; il en sera question à propos de ces familles.